Combien Mesurait Claude Nougaro – L’un des plus grands poètes de la chanson française était Claude Nougaro. Celui qui se définissait comme un « mot-sicien » interprétait ses propres textes d’une voix enflammée et rauque. Depuis sa disparition en 2004, sa dernière épouse et ses derniers enfants ont été au centre de la vie de sa mémoire et de son œuvre.
Théa, sa troisième fille, a souhaité présenter son père aux enfants d’aujourd’hui en publiant en 2014 un livre intitulé J’entends encore l’écho de la voix de papa (éd. Flammarion) sur la relation d’une fille avec son père et sa transmission.
Elle a récemment sorti Claude Nougaro, enchanté ! (Éditions des Braques), un livre-disque de seize chansons illustrées. Théa Nougaro revient à la Revue des Deux Mondes pour évoquer les origines de ce projet et le rapport de son père à l’écriture et à la musique. Théa Nougaro : Enfant, je me perdais dans les poèmes et les chansons de mon père. J’en avais une toute autre compréhension qu’aujourd’hui.
Depuis que je suis maman, j’ai commencé à écouter ma fille. Au fur et à mesure qu’elle en apprenait davantage sur eux, elle m’a posé des questions perspicaces qui ont conduit à de longues discussions sur la nature humaine, les effets de nos actions et ce que nous pouvions ou ne pouvions pas faire pour protéger l’environnement. Cela m’a convaincu que ce travail était très actuel et accessible aux enfants.
La poésie doit tomber dans la rue et être comprise de tous ; ce n’est pas l’apanage d’une aguerrie exclusive. Elle a la capacité non seulement de nous transporter mais aussi d’éveiller notre sens de l’humanité et des arts. Les jeunes les utilisent fréquemment, parfois même à notre insu. Il est important de leur prêter attention et de savoir maximiser leur potentiel créatif.
De plus, mon père accordait une grande importance au fait de voir des enfants. Il est clairement visible dans Plume d’Ange. Parce que seuls les enfants peuvent vraiment croire que leur panache leur a été accordé par un ange, sachant que « la foi est plus belle que Dieu », le conteur de ce conte se lance dans la recherche d’un enfant.
Mon père était un magicien extraordinaire. Il existe des histoires, des poèmes et des courts métrages parmi ses genres d’écriture de chansons. Il parvient à véhiculer des thèmes à travers des personnages attachants, comme le clochard de Clodi Clodo, ou des animaux, comme le coq et la pendule qui apparaissent dans le livre. Son langage précis et rythmé garantit que tout ce qu’il dit est compris. Finalement, je crois que c’est quelqu’un d’honnête qui n’a jamais abandonné. Ou bien les enfants aiment la vérité et l’honnêteté.
Théa Nougaro : Certainement, et j’espère que les parents, les grands-parents ou l’entourage des enfants auront hâte de le leur faire découvrir ! La sélection des chansons a été vraiment difficile car je savais que tout le monde voulait entendre des chansons connues. Cependant, mon véritable objectif était de sélectionner des titres adaptés aux enfants et de révéler de véritables joyaux comme Visiteur, Nightmare Papillons et bien d’autres titres moins connus.
Parmi les vingt chansons que j’ai choisies, quelques-unes sont gravées dans la mémoire collective : ce sont les chansons Armstrong, Cécile, ma fille et Rain Makes Crème. L’intention était qu’ils s’adressent particulièrement aux enfants, puisque chacun d’eux raconte une histoire, ainsi qu’aux adultes qui souhaiteraient la traduire.
Tous évoquent la profonde espérance qui vivait le manté par mon père. Prométhée-moi démontre par exemple comment la capacité de l’homme à accomplir de bonnes actions cohabite avec son pouvoir destructeur, qui lui vient de la maîtrise du feu.
Le livre commence par une brève biographie de l’enfant et de l’homme qui était mon père, suivie de quelques brèves vignettes qui situent les chansons dans leur contexte. La grande opportunité que nous avons, mes sœurs, mon frère et moi-même, est que les chansons de notre père reflètent sa vie et révèlent sa vision du monde, des choses que les parents ne partagent pas toujours avec leurs enfants : elles reflètent rarement leurs forces et leurs faiblesses, leurs amours. , leurs déceptions et leurs revers.
Grâce à Mademoiselle Maman, qui ne figure pas dans ma sélection, nous savons aussi exactement comment nos grands-parents paternels nous ont été présentés ! Journal des Deux Mondes Vous avez fait en sorte que ce disque soit accompagné d’un album avec les paroles des chansons.
Théa Nougaro : Je voulais avant tout que cette collection fonctionne comme un livre jeunesse. Je voulais que l’enfant puisse lire les textes ou qu’on l’aide à les lire. Il semblait évident qu’il serait accompagné d’un CD de chansons que mon père avait interprétées.
Lors de l’écoute d’une chanson, la mélodie et le rythme peuvent parfois tellement attirer l’attention qu’ils en perdent de vue les points principaux du texte. Alternativement, j’espérais que les enfants, peut-être avec l’aide de leurs parents ou de leurs grands-parents, apprendraient comment mon père reliait les mots et jouait avec eux.
Il était à mes yeux crucial qu’ils aient la possibilité de développer leur imaginaire et de pouvoir incarner les “ciné-mots” dont il parlait parfois. Même à un jeune âge, les enfants peuvent comprendre le sens profond du langage, de la poésie et de la beauté. En leur offrant cet autre point de vue, j’espère que nous les aiderons à éviter certains écueils et qu’ils réfléchiront mieux en pe.
J’ai également veillé à ce que chaque texte laisse place à l’interprétation d’un illustrateur. J’ai donc offert à un jeune illustrateur une chanson qui semblait correspondre à son univers et je la lui ai offerte. L’enfant servira de double illustratif du livre.
C’est en effet à lui qu’il revient d’illustrer les premiers vers du poème “Sa maison”, qui se lisent ainsi : “Que tu lui donnes un crayon / et l’enfant construit sa propre maison”. Si certains des illustrateurs qui ont travaillé sur ce livre connaissaient déjà la chanson qui leur était assignée, d’autres ne la connaissaient pas. Chacun a fait l’effort d’écouter, d’analyser et de réfléchir.
Les personnes avec qui j’ai eu l’occasion de discuter m’ont exprimé combien elles étaient heureuses d’être associées au titre que je leur avais confié et combien elles étaient heureuses d’avoir participé à ce projet.Journal des Deux Mondes Vous avez sélectionné le dessin de votre père pour illustrer la couverture de ce livre-disque. Le dessin a-t-il occupé une place importante dans sa vie ?
Il illustrait partout et beaucoup. Comme on peut s’y attendre d’un illustrateur professionnel, il a commencé par un détail, en commençant par l’élève pour construire un visage. De nombreux dessins peuvent soit illustrer indépendamment le texte écrit, soit servir d’illustrations dans ses cahiers et journaux. Quelques-uns d’entre eux ont été compilés dans divers ouvrages. De plus, certaines sont présentées au public sous forme d’exposition itinérante.
Pas un seul de ses dessins ne correspondait exactement aux paroles des chansons que j’avais choisies. Ne pouvant pas les utiliser pour illustrer les textes, j’ai décidé d’utiliser une déclaration autobiographique intitulée “Et moi voici” sur la couverture du livre. Ce dessin animé est dessiné de manière très stylisée et humoristique. Ce côté plutôt juvénile capte efficacement l’esprit du livre.
Revue des Deux Mondes : Votre père a toujours dit que la chanson était née par hasard. Il commence à interpréter sa poésie dans le légendaire cabaret Lapin Agile à Montmartre dans les années 1950. L’influence qu’il a eu sur la chanson française est inextricablement liée à son usage de la langue. Comment a-t-il écrit ?
Théa Nougaro : Mon père avait écrit dans sa chanson. Il avait toujours un talisman sur lui et écrivait partout. Cependant, lorsque son inspiration s’est refroidie, rien ne s’est concrétisé. Après des temps très heureux et prospères, il y avait des périodes de silence complètes pendant lesquelles personne ne pouvait lui parler ; il est resté alité dans sa chambre.
Même s’il avait parfois une image très sombre de la vie, celle-ci ne parvenait jamais à effacer complètement l’énergie essentielle qui l’animait. Jusqu’au bout, il a eu envie d’écrire. Pour de nombreux artistes, l’expression artistique a servi de moyen de surmonter leurs doutes et leur doute de soi.
Même si l’un de ses textes n’était pas très clair, Michel Legrand lui conseillait de l’interpréter lui-même. C’est à ce moment précis qu’il s’est mis à chanter. Il a beaucoup travaillé sa technique vocale avec sa mère.
Elle était pianiste et accompagnait son mari, chanteur lyrique. Mon père a été entraîné dans l’univers de l’opéra grâce aux parents. De plus, il a été élevé par ses grands-parents, qui l’ont initié au jazz en écoutant The Star Splash, car ses parents étaient fréquemment en tournée. Mon père avait conservé le souvenir d’une enfance quelque peu déprimante et mélancolique.
Mais c’est cette enfance qui a contribué à faire de lui l’homme qu’il est aujourd’hui, lui permettant de s’exprimer, par exemple, à travers la musique noire américaine. C’était une éducation stimulante, mais cela ne l’a pas empêché de développer son potentiel ; c’est une leçon que je veux enseigner à la jeune génération.
Journal des Deux Mondes Votre père croyait que la langue française ne se prêtait pas le mieux à l’écriture de chansons. Cependant, en sélectionnant soigneusement ses mots, en les contrastant et en utilisant leur couleur, il a surmonté ce défi. Son œuvre est un hommage à la langue française.